
(image générée par Midjourney)
J’ai finalement démissionné. C’était bien payé, très bien payé, rubis sur l’ongle, par le Middle East Trump Charity & Resorts Trust ; on avait un matériel formidable, avec, pour achever de détruire ce qui n’était pas déjà complètement à terre, les gros bulldozers prêtés (empruntés, plutôt, se disait-on entre nous) par l’armée américaine, et, pour dégager les gravats, ces immenses camions bennes qu’on voit dans les mines de charbon allemandes, qui déversaient nuit et jour leur contenu dans de gigantesques incinérateurs fonctionnant de façon continue, et qui émettaient eux-mêmes des fumées sales et acres qui empuantaient toute l’atmosphère les jours où il n’y avait pas de vent.
On était logés dans de superbes campings cars, dotés de tout le confort, qui étaient parqués sur un grand terre-plein aplani à proximité de l’ancien port de Gaza ; et on y était vraiment comme des rois, avec tout ce qu’on voulait, dans tous les domaines, et pour tous les goûts !
Tout avoir, pouvoir tout avoir quand on est, abrité de grands murs et de hauts barbelés, au milieu d’une population qui erre, affamée et ayant tout perdu, parmi les ruines, qui est prête à tout pour obtenir une couverture, une paire de chaussures, un médicament ou un vaccin ; beaucoup de mes camarades s’en fichaient ou trouvaient même ça agréable, voire jouissif, mais moi je n’aimais pas, et chaque fois que je croisais le regard d’un Gazaoui, d’une Gazaouite (et elles étaient nombreuses, les malheureuses, à traîner autour du camp !), je détournais et baissais le regard, honteux.
Mais la vraie cause de mon départ est ailleurs. Ce sont les gardes noirs, les gardes noirs des Légions noires mises sur pied par Elon Musk, cette milice dont plusieurs centaines de membres avaient été envoyés ici pour sécuriser le chantier et nous protéger. Leur uniforme était celui des méchants du Premier ordre des derniers Star Wars, ils étaient surarmés, portaient un casque-masque bourré de viseurs, de capteurs, de gadgets électroniques et étaient toujours accompagnés d’une nuée vibrionnante de drones et de robots-chiens genre Boston Robotics qui se déplaçaient, grognaient et aboyaient d’une façon effrayante et agressive : toute une mise en scène conçue pour terroriser, terroriser et sidérer une population déjà abasourdie par des années de privations, de terrorisme, d’encerclement, de bombardements, d’anéantissement. Cet ordre noir qui gardait notre camp, qui nous accompagnait le matin vers les chantiers, nous raccompagnait le soir au camp et sécurisait les travaux de démolition avec des mitrailleuses grimpées sur des fourgons blindés et des chiens-robots à tête de chiens loups menaçant une population hagarde, affamée et vêtue de lambeaux, j’ai fini par ne plus les supporter. Je ne veux pas enfoncer le point Godwin mais c’était vraiment trop horrible, trop connoté, trop horriblement connoté.
Voilà. Pas tellement d’autre chose à dire : au bout de cinq mois, je n’en pouvais plus.
Tout cela est évidemment de la fiction (et il faut espérer que ça le restera). Et comme sa légende l’indique, l’image d’illustration a été générée par Midjourney, à partir du prompt suivant : « Au milieu de ruines, de grands hôtels et résidences de luxe avec piscines, pelouses et jets d’eau, comme sur la Côte d’Azur. Et sur le côté, un grand et long panneau publicitaire dans le style de ceux des programmes immobiliers, sur lequel est écrit : « Welcome in Gaza, the new Riviera ». Professionnal photo 4k. »
On pourra lire à ce propos, dans Le Grand Continent, un intéressant article sur une des sources probables des déclarations de Donald Trump, Curtis Yarvin : GAZA INC. : L’INFLUENCE CACHÉE DERRIÈRE LE PLAN DE TRUMP
26 février 2025 : On va de Charybde en Scylla car la réalité fictive dépasse désormais la fiction fictive.
Voici le clip diffusé aujourd’hui par Donald Trump sur son compte Instagram :
Terrible! Pathétique et drôle (À tant que faire -et en attendant la fin)…
L’image me parle, me parle d’un imaginaire personnel d’adolescent à la lecture du roman 1984 de G. Orwell…