À partir de quel moment cette capacité créatrice née du besoin de survivre et grandie de l’aspiration à l’amour et au beau se mue-t-elle en une sorte de logorrhée ou d’incontinence matérielle et productive, en un besoin incontrôlable de générer des choses ? À partir de quel moment notre plaisir de créer devient-il soif d’humaniser le monde entier, de détruire tout ce qui n’est pas nous ?
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Dans le monde jetable et consommable que nous avons construit, ce monde où la beauté des feuilles est éclipsée par les réclames, nous sommes, toutes et tous, des Don Juan au petit pied, qui cherchons toujours ce que nous possédons déjà.
La Joconde m’adresse-t-elle un sourire gracieux ou me signifie-t-elle aimablement qu’elle est lasse de ma présence ? Ai-je raison de considérer que la porte n’a pas été fermée ou devrais-je plutôt accorder mon attention au fait qu’elle n’a pas été ouverte en grand ? On ne sait jamais très bien, il est impossible de savoir de façon sûre et définitive la signification d’une attitude, l’intention profonde qu’elle recèle.
La dignité est une de ces choses vraies et profondes dont la vérité se décèle à leur palpitation, à leur vibration incessante, à leur retournement toujours possible. Elle est parfois dans l’acceptation de son sort, de son corps, de sa laideur, de sa beauté ; dans l’abandon fluide à l’instant, au mouvement des choses, au destin ; et parfois dans l’exact contraire : le refus de ce qui nous est imposé, la célébration de notre être et de sa liberté.
De tous les personnages humains de la crèche (je ne sais rien de l’âne et du bœuf), à l’exception peut-être du nouveau né, le ravi est le seul qui soit parfaitement heureux. Tous les autres ont des doutes, des tristesses, des devoirs, des scrupules, des ambitions peut-être. Lui n’a que sa joie : sa joie d’être là.
Il faut, pour embrasser le malheur, avoir d’abord embrassé l’amour. Pour pleurer la destruction du monde, avoir d’abord compris qu’on l’aimait.
Il n’y a d’authenticité, de vraie fidélité à soi-même que dans l’aboutissement, dans la pleine et totale réalisation de nos potentialités, dans l’effort mené jusqu’à son terme.
La croyance, d’ordre mystique, est totalement irrationnelle. Elle nous fait prendre des risques considérables. Tout le contraire des prêches de ce bon Monsieur Spock. Mais c’est d’elle que, depuis toujours, naissent les grandes choses. Elle n’est pas un défaut de la raison ; elle est ce qui, en nous, permet de la dépasser pour partir sur les chemins incertains de l’altruisme, de l’amour, de la foi, de l’espérance, de la découverte. Elle est l’émotion qui nous mène hors des sentiers battus de la raison ratiocinante.
Il ne s’agit pas d’enrichir le monde ; il s’agit de le démonétiser, de recréer et d’agrandir des espaces naturels, mentaux, culturels, sociaux, qui ne soient pas soumis à notre avidité et au jeu continuel de l’offre et de la demande. Des espaces physiques et intérieurs libérés de cette pression où le monde puisse se réenchanter.