Ce doit être bizarre de vivre et de n’avoir jamais vécu que dans cet entre soi, cet enclos vitré, loin des bruits, des cris, des lumières de la jungle ; de n’avoir jamais connu la fraîcheur de la pluie et la caresse du soleil, la senteur poivrée du pétrichor, la crainte et le bonheur mêlés d’être un parmi les autres êtres de la grande île natale.
Catégorie : Idées
Création perpétuelle
La beauté du monde, la vie, la grâce, le bonheur ne nous sont pas donnés une fois pour toutes ; il faut, à chaque instant, les entretenir, les soigner, les choyer, les entourer d’attention et d’amour pour qu’elles se perpétuent, se renouvellent, se revivifient, se recréent et s’épanouissent. Sans cet amour et cette attention continuelles, la flèche du temps, l’entropie et le chaos emportent tout, réduisent chaque chose en poussière, ramènent tout au néant.
Sauver la face
Sauver la face de l’adversaire, c’est, à l’instant de lui faire rendre gorge, retenir notre victoire, et non seulement ne pas le tuer (ce qui est simplement sauver sa vie) mais lui tendre une main qui lui permette de considérer que son combat n’aura pas été totalement vain. C’est chercher un point de conciliation au moment même où nous pourrions nous en passer et reconnaître, parce que nous n’en avons plus besoin, que notre adversaire n’avait pas totalement tort.
Produire, construire, fabriquer
À partir de quel moment cette capacité créatrice née du besoin de survivre et grandie de l’aspiration à l’amour et au beau se mue-t-elle en une sorte de logorrhée ou d’incontinence matérielle et productive, en un besoin incontrôlable de générer des choses ? À partir de quel moment notre plaisir de créer devient-il soif d’humaniser le monde entier, de détruire tout ce qui n’est pas nous ?
Le malheur de Don Juan
Dans le monde jetable et consommable que nous avons construit, ce monde où la beauté des feuilles est éclipsée par les réclames, nous sommes, toutes et tous, des Don Juan au petit pied, qui cherchons toujours ce que nous possédons déjà.
Le sourire de la Joconde
La Joconde m’adresse-t-elle un sourire gracieux ou me signifie-t-elle aimablement qu’elle est lasse de ma présence ? Ai-je raison de considérer que la porte n’a pas été fermée ou devrais-je plutôt accorder mon attention au fait qu’elle n’a pas été ouverte en grand ? On ne sait jamais très bien, il est impossible de savoir de façon sûre et définitive la signification d’une attitude, l’intention profonde qu’elle recèle.
Dignités
La dignité est une de ces choses vraies et profondes dont la vérité se décèle à leur palpitation, à leur vibration incessante, à leur retournement toujours possible. Elle est parfois dans l’acceptation de son sort, de son corps, de sa laideur, de sa beauté ; dans l’abandon fluide à l’instant, au mouvement des choses, au destin ; et parfois dans l’exact contraire : le refus de ce qui nous est imposé, la célébration de notre être et de sa liberté.
Le ravi
De tous les personnages humains de la crèche (je ne sais rien de l’âne et du bœuf), à l’exception peut-être du nouveau né, le ravi est le seul qui soit parfaitement heureux. Tous les autres ont des doutes, des tristesses, des devoirs, des scrupules, des ambitions peut-être. Lui n’a que sa joie : sa joie d’être là.
La vie large
Il ne s’agit pas de nier le rôle de l’économie, de dire que la richesse et la pauvreté, ça n’existe pas ou c’est sans importance ; mais de passer d’un monde et d’un imaginaire dominés par l’économie à un monde et un imaginaire où elle n’occuperait que sa place, qui est grande mais non prépondérante.
L’amour et le malheur du monde
Il faut, pour embrasser le malheur, avoir d’abord embrassé l’amour. Pour pleurer la destruction du monde, avoir d’abord compris qu’on l’aimait.