
Que leurs âmes, à toutes et à tous, soient reliées au faisceau de la vie.
Que leurs âmes, à toutes et à tous, soient reliées au faisceau de la vie.
Il y a, dans l’ébrasement du trumeau de la Sainte-Chapelle, une représentation de Dieu chassant Adam et Ève du Paradis.
On y voit Adam, qui tient sa feuille de vigne d’une main, désigner de son autre main Ève, visiblement pour rejeter sur elle l’entièreté de la faute et de la catastrophe.
Mais le geste est si lâche, et cette lâcheté si infantile qu’on se demande ce sur quoi l’artiste a vraiment voulu attirer l’attention : est-ce sur la responsabilité de la femme dans la Chute, sur la lâcheté de l’homme qui se défausse sur elle ? Ou est-ce plus radicalement sur la puérilité de cette humanité incapable d’assumer ses fautes ?
Y a-t-il un moment où la curiosité de découvrir, de ressentir, de partager ce que fait l’autre, dépasse une borne pour devenir avidité ? Y a-t-il un moment où le désir de mieux connaître devient désir d’absorber, de se nourrir, de s’incorporer la substance de l’autre à la facon de ces anthropophages qui mangent les corps de ceux dont ils veulent acquérir les vertus ?
La bouche qui embrasse est aussi celle qui mord, la main qui caresse celle qui empoigne. L’amour toujours se tient aux lisières de la dévoration. Embrasser sans mordre ; tenir dans ses bras sans retenir ; aimer sans manger de ce manger ogrique qui tue à force d’adorer.
Aimer sans absorber, aimer sans emprisonner, aimer sans dévorer l’autre. Mais l’aimer aussi sans le nier, sans vouloir le dissoudre dans son propre soi-même.
Aimer l’autre dans son altérité, dans son identité singulière.
« La grande douleur de la vie humaine, c’est que regarder et manger soient deux opérations différentes » observait Simone Weil.