Aimer les choses en ce qu’elles disparaissent

Je me demandais,
Écoutant de la musique,
Ces notes qui surgissent, sonnent et s’évanouissent,
Ces voix à bout de souffle qui murmurent, érotiques ;
Songeant à l’émotion que font naître, au printemps,
Les fleurs de cerisier qui jonchent les jardins ;
Me rappelant, dans un visage, un regard furtif,
Un mouvement de tête, un sourire esquissé ;
Revivant en moi-même des éclairs de bonheur,
Et la langueur des longs hivers ;

Je me demandais
Si plus qu’à la beauté, à la grandeur, à l’héroïsme,
Nous n’étions pas sensibles au passage du temps ;
Si nos sens n’étaient pas, plus qu’à tout autre chose,
Affûtés à la perception du fragile,
De l’instable, de l’éphémère,
Du temps lui-même en son écoulement.

Nous aimons la beauté,
Mais plus encore peut-être, qu’elle soit fugace ;
Nous aimons le bonheur,
Mais nous l’aimons aussi dans sa brièveté,
Dans ce visage qui nous émeut nous aimons la jeunesse,
Et dans l’instant de grâce sa disparition.


C’est aux ondes du temps que la corde est sensible,
A la fragilité que nous réagissons.

Quelle étrange contradiction
Plantée en nous depuis la Chute
(C’est-à-dire la Création),
Et qui nous suit, depuis,
Et nous fait ce que sommes :
« Hommes et femmes chassés hors du jardin d’Eden,
Qui travaillez, mourez, et dans la douleur accouchez,
Vous aurez, pour ultime châtiment
(À moins que ce ne soit votre salut)
D’aimer les choses en ce qu’elles disparaissent. »

Aldor Écrit par :

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