C’est en se promenant, un matin du mois d’août dernier, sur les rochers acérés de l’anse de la Galère, sur l’île de Porquerolles, près de Toulon, que l’œil de Bernard L., qui depuis des années parcourt cette petite crique, à la recherche patiente (et pour le moment inaboutie – mais les plus belles quêtes ne sont-elles pas celles qui demeurent inachevées ?) de drachmes d’or, statuettes de bronze et autres vestiges qu’auraient pu y laisser les marchands et pécheurs phocéens qui, il y a près de 2 500 ans, avaient établi en ce lieu un comptoir ; c’est en se promenant, donc, sur ces rochers coupant comme des lames, que l’œil de Bernard L. est attiré par deux petits cailloux, des gravillons plutôt, de forme étrange : « J’ai d’abord pensé, explique-t-il aujourd’hui modestement, qu’il s’agissait de squelettes de corail, comme on en trouve souvent sur les plages méditerranéennes, mais l’apparence, la couleur et même la matière ne correspondaient pas tout à fait. Ça n’était pas blanc et terne comme du calcaire ; et on n’y voyait aucune trace d’algue ou de coquillage comme c’est ordinairement le cas des os ou des pierres demeurées longtemps sous l’eau ; c’était au contraire beige et brillant comme de l’ivoire, et on distinguait une curieuse structure en étoile que je n’avais jamais vue sur du corail ou quoi que ce soit d’autre ».
Intrigué, il envoie sa trouvaille à une connaissance, Yann L.-K. chercheur à l’Institut océanographique de Monaco, qui confirme bientôt qu’il s’agit d’ivoire, mais qu’il n’a pas la moindre idée de l’animal dont cet ivoire pourrait provenir, rien, dans les vastes collections de squelettes d’animaux marins de l’Institut, ne s’apparentant à ces deux échantillons.
De plus en plus intrigué, Bernard L. parle de sa découverte à son amie Sylvie K.-L. (sans lien de parenté avec Yann L.-K), elle-même professeure à l’université de Paris-Nanterre qui, observant que les deux petites pierres ressemblent à des dents, suggère de les faire expertiser par le Muséum national d’histoire naturelle.
Les deux pièces, soigneusement emballées, sont donc expédiées au Muséum qui, après quelques jours, répond.
La réponse est inattendue, ne serait-ce que parce qu’elle émane non pas du laboratoire de biologie, destinataire de l’envoi, mais du département de paléontologie, à qui les échantillons ont finalement été confiés. Et pour cause : si les deux cailloux retrouvés à Porquerolles sont effectivement des dents, ce sont celles d’un animal depuis longtemps disparu, et d’un animal bien terrestre : un mammouth !
Car il y eut un temps, chers lectrices et chers lecteurs, où les douces plaines de Porquerolles résonnaient du barrissement grave et sauvage de l’animal aux larges défenses.
À suivre.
Faut-il le préciser ? Tout cela est pure invention.