
Imagine-t-on la scène ? A gauche, une frêle et courageuse jeune fille, une ancêtre de la douce Ingrid qui, endormie à mes côtés, plisse les yeux au soleil du matin. Elle est fille de ces homo-sapiens qui, après être apparus en Afrique, ont, pour certains d’entre eux, commencé à migrer, sont longtemps restés au Moyen-Orient, puis se sont répandus dans tout l’ancien monde, des confins de l’Asie et de l’Indonésie jusqu’au terres finistères d’Europe, frayant peu mais prenant progressivement la place de leurs cousins Néandertal et Dénisoviens.
La jeune fille faisait le guet depuis l’abri de la Grande huître et elle a vu s’avancer, fatigué mais plein de puissance, un majestueux mammouth. Elle a attrapé sa lance et ses flèches, a dévalé la falaise et a commencé à pister l’animal, à le harasser, à le fatiguer de ses traits pour le forcer à ralentir.

Déjà sans doute a-t-elle sorti son poignard de silex quand soudain, surgissant des profondeurs insondables du temps, apparaît le terrifiant museau d’un animal que nul, ici n’a jamais vu, un animal bardé d’écailles, de plumes et de dents gigantesques !

Conçois-tu, Ô lectrice, Ô lecteur mollement assis dans ta chaise longue, la surprise du mammouth et l’effroi de la jeune chasseresse ? Je frémis, quant à moi, à la seule pensée de cette rencontre ! Mais l’heure n’est pas aux tremblements, car le monstre venu des Amériques plante déjà ses crocs dans l’échine du mammouth laineux qui, exténué, pousse de sa trompe, Ô Roland ! un long barrissement rebondissant de colline en colline.
Et Diane, notre Diane à la peau sombre, que fait-elle ? Vive et légère comme la brise du soir, elle profite du combat des deux mastodontes pour fuir, se frayer un chemin dans le maquis odorant dont les épines déchirent ses pauvres vêtements, et rejoint, harassée, la ligne de crête. Arrivée là, elle hèle ses compagnes et compagnons et tous, aidés de fortes branches, soulèvent des rochers qu’ils font dégringoler sur le T-Rex et sa malheureuse victime.
Les rocs tombent, les rocs dévalent, les rocs s’effondrent, écrasant les bêtes féroces. De là, probablement, certainement même, les amoncellements, les chaos de roches qu’on trouve un peu partout sur la côte sud de l’île. On voudrait nous faire croire qu’ils sont tombés naturellement, que la tendance naturelle des falaises serait de s’écrouler ; mais ce sont en vérité les émouvantes, les glorieuses reliques des combats contre les T-Rex que menèrent, il y a 20 000 ans, pour leur survie, nos valeureux ancêtres porquerollais.

Et c’est pour que le souvenir de ces combats se perpétue, pour que leurs enfants soient avertis du danger, que des artistes furent chargés d’en garder, d’en graver la trace sur les parois de l’abri de la Grande huître. Et peut-être ailleurs.
En illustration musicale, derrière ma lecture, Bang a Gong (Get It On), du groupe T-Rex. Merci à Etoile31 du conseil pour ce titre qui s’impose ici !
À suivre…
Peut-être entrer en communication subtile avec l’animal et quelques poignées de croquettes….