Skip to content
Menu
Lignes
  • Accueil
  • Aldor
  • Improvisations
  • Images
  • Promenades
Lignes

Poils aux jambes

Posted on 30 octobre 202230 octobre 2022

Il m’a fallu longtemps, très longtemps (si longtemps que je préfère n’être pas plus précis), pour comprendre qu’au naturel, les jambes des femmes étaient poilues, et que leur aspect doux, lisse, satiné, relevait de l’artifice.

Je voyais bien, pourtant, enfant, que ma mère achetait de la crème épilatoire ; mais aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne faisais pas le lien avec ses jambes. Et toutes les jeunes filles et femmes que pendant longtemps j’ai croisées et connues étaient si continuellement et incessamment glabres des jambes que j’ai fini par considérer qu’elles étaient ainsi faites : pas plus qu’elles n’avaient de poils au menton, les femmes n’avaient de poils aux jambes.

La découverte, tardive, de la vérité, fut, on s’en doute, un choc. Bien que je sois très loin de lui ressembler, je partageais avec le magnifique Solal de Belle du Seigneur l’idée rêveuse que, face à la babouinerie grossière et hirsute des hommes, les femmes incarnaient la grâce et la pureté. Que ces nymphes et ces fées aient des poils aux jambes brisait ma compréhension du monde, et avec elle la cage dorée dans laquelle j’avais fantasmatiquement enfermé ces belles (mais finalement pas si parfaites) créatures : avec leur toison, c’est leur liberté d’être autre chose que la projection de mes désirs qu’elles acquéraient.

Je m’en remis.

Ce dont, en revanche, je ne suis pas encore remis, ni tout à fait revenu, c’est du non-dit de cette idéalisation et de la violence que constitue la mise au nombre des attributs de la féminité d’un caractère si évidemment contre-nature.

Depuis toujours, les hommes et les femmes modifient leur corps et leur apparence : habillement, chevelure, khôl, bijoux, rouge à lèvres, fard, scarifications… le corps et le visage que nous livrons aux autres n’ont rien de naturel et sont priés de se plier à des normes multiples. Mais ces normes s’affichent comme telles ; on peut, dans une certaine mesure, les suivre ou ne pas les suivre ; et surtout elles ne viennent pas contredire la nature mais plutôt l’approfondir, l’exalter, la souligner, comme le font le noir des yeux ou le rouge des lèvres. Le cas des jambes imberbes est différent puisqu’on assigne aux femmes un attribut qu’elles n’ont jamais naturellement et qu’il faut indéfiniment travailler pour obtenir.

J’ai suffisamment souffert de ma petitesse pour savoir comme il peut être douloureux de ne pas correspondre à ce qui est attendu de nous, en tant qu’individu d’un sexe donné. Mais l’assignation au corps est bien moindre pour les hommes que pour les femmes et ici, c’est l’ensemble de la gente féminine qui est prise dans la nasse, sommée d’être ce qu’elle n’est pas, ou plutôt de demeurer à l’état imberbe des petites filles.

J’adore, évidemment, les jambes lisses et douces ; elles sont un émerveillement. Mais c’est exiger d’un hérisson qu’il ait le poli de l’ivoire.

Ce qui est stupéfiant, c’est l’acceptation générale de cela ; le fait que cette apparence s’impose de façon si absolue et si universelle qu’on en oublie son statut d’artifice : pour la peinture, la statuaire, le cinéma, la photographie, dans toutes les représentations (sauf la Marie-Madeleine de Tilman Riemenschneider) les jambes féminines sont lisses. Il n’y a pas, pour elles, de coming out semblable à la Création du monde, de Courbet. Tous ensemble, hommes et femmes, vénérons ces jambes idéales, la beauté mensongère de ces jambes immaculées de poils, de ces jambes d’avant le pêché et la Chute.

Partager :

  • Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
  • Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
  • Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
  • Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
  • Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
  • Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre) E-mail

J’aime ça :

J’aime chargement…

Articles similaires

1 thought on “Poils aux jambes”

  1. Ping : La retenue et la grâce - Improvisations

Laisser un commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Divers

  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • Site de WordPress-FR

Articles récents

  • 7 octobre
  • Là-bas
  • Le plaisir de l’incertain
  • Les grandes enquêtes d’Aldor
    Un autre mystère à Porquerolles
    8. épilogue : les îles analogues
  • Les grandes enquêtes d’Aldor
    Un autre mystère à Porquerolles
    7. une couvée

Commentaires récents

  • Aldor dans Là-bas
  • etoile31 dans Là-bas
  • etoile31 dans Le plaisir de l’incertain
  • etoile31 dans Les grandes enquêtes d’Aldor
    Un autre mystère à Porquerolles
    8. épilogue : les îles analogues
  • Aldor dans Les grandes enquêtes d’Aldor
    Un autre mystère à Porquerolles
    7. une couvée

Catégories

  • Les grandes enquêtes d'Aldor
  • Des mammouths à Porquerolles
  • Uncategorized
  • Dystopie
  • Haïku
  • Un autre mystère à Porquerolles
  • poème
  • Question
  • Souvenirs
  • Carnet
  • Farce
  • Rêve
  • Fable
  • Conte
  • Idées
  • Tics
  • exercices de style
  • Fantastique

Archives

  • octobre 2025
  • septembre 2025
  • août 2025
  • juillet 2025
  • juin 2025
  • avril 2025
  • mars 2025
  • février 2025
  • janvier 2025
  • décembre 2024
  • mars 2023
  • février 2023
  • janvier 2023
  • décembre 2022
  • novembre 2022
  • octobre 2022
  • septembre 2022
  • août 2022
  • juillet 2022
  • juin 2022
  • mai 2022
  • avril 2022
  • mars 2022
  • février 2022
  • janvier 2022
  • décembre 2021
  • octobre 2021
  • septembre 2021
  • août 2021
  • juillet 2021
  • juin 2021
  • mai 2021
  • avril 2021
  • mars 2021
  • février 2021
  • janvier 2021
  • décembre 2020
  • novembre 2020
  • octobre 2020
  • septembre 2020
  • août 2020
  • juillet 2020
  • juin 2020
  • mai 2020
  • avril 2020
  • mars 2020
  • février 2020
  • janvier 2020
  • décembre 2019
  • novembre 2019
  • octobre 2019
  • septembre 2019
  • août 2019
  • juillet 2019
  • juin 2019

Méta

  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • Site de WordPress-FR

Aldor (le blog)

Hécube, pas Hécube (de Tiago Rodrigues)

Hécube, pas Hécube (de Tiago Rodrigues)

Il y a la scène, qui n’est pas simplement le miroir mais le lieu de la répétition, le lieu singulier de la répétition, d’une répétition qui jamais ne se répète : simul et singulis. La scène est le lieu passeur de mondes, sorte d’Aleph où se crée, se façonne, évolue, sous la parole sage et prophétique du choeur, ce qui n’est pas encore figé, où se crée ce qui sera plus tard avant que le plus tard, que le trop tard n’advienne.

Une révolution intérieure (de Gloria Steinem)

Une révolution intérieure (de Gloria Steinem)

Les histoires que raconte Gloria Steinem dans Une révolution intérieure font penser à Modesta, la magnifique héroïne de L’Art de la joie, de Goliarda Sapienza. Ce sont des récits de renaissance, de naissance peut-être, à tout le moins de libération.

Printemps silencieux (de Rachel Carson)

Printemps silencieux (de Rachel Carson)

Le livre de Rachel Carson, à la fois solidement documenté et écrit avec poésie et humanisme, ne fut donc pas sans effet, il s’en faut de beaucoup. Et pourtant, soixante ans après, comme cinquante ans après le rapport Meadows, comment ne pas constater qu’il fut vain, en ceci que tout ce qu’il disait est à redire, que tout ce qu’il avait permis de commencer est à recommencer ?

L’adoration des mages (d’Augustin Frison-Roche)

L’adoration des mages (d’Augustin Frison-Roche)

L’adoration des mages est la pièce maîtresse de l’exposition Épiphanies que le Collège des Bernardins consacre à Augustin Frison-Roche.

La sorcière (de Jules Michelet)

La sorcière (de Jules Michelet)

C’est dans cette période de mort, de noirceur et d’étouffement, dans cette époque qui sera bientôt écrasée sous le joug féodal et battue sans relâche par les fourches d’un christianisme combattant tout ce qui lui résiste, que la sorcière apparaît, incarnant la résistance et le refuge.

Improvisations

L’aspiration au bonheur

L’aspiration au bonheur

On n’aspire pas seulement à vivre, on aspire à être heureux. C’est normal et sain mais il arrive que, sous l’effet de pensées perverses et manipulatrices, d’idéologies morbides et dominatrices, on l’oublie. Et cet oubli est une défaite de la joie, de l’esprit et de la vie.

Read the postL’aspiration au bonheur

Créer/réemployer

Créer/réemployer

Nos œuvres les plus originales et les plus créatives sont des réinterprétations, des revisitations, des remakes d’œuvres déjà créées et qui renaissent indéfiniment dans ce processus continu de reprise et d’imitation, de régénération.

Read the postCréer/réemployer

Onctuosité

Onctuosité

Quand je me rase, je me prends toujours un peu pour le Charlton Heston des Dix commandements coupant sa barbe après avoir vu Dieu.

Read the postOnctuosité

Il part quand, le bateau pour le Soudan ?

Il part quand, le bateau pour le Soudan ?

« Il part quand, le bateau pour le Soudan ? », demandent ceux qui, sous couvert d’équité et d’universalisme, travaillent à ce que jamais il ne parte, à qu’il reste toujours à quai.

Read the postIl part quand, le bateau pour le Soudan ?

Ne pas chercher et bien vouloir

Ne pas chercher et bien vouloir

On peut ne pas chercher et ce faisant ne pas vouloir ; et on peut ne pas chercher et cependant bien vouloir.

Read the postNe pas chercher et bien vouloir

Images

Calvia decemguttata

Calvia decemguttata

Feuille de chêne

Feuille de chêne

Feuilles de chêne

Feuilles de chêne

Clerodendrum ?

Clerodendrum ?

Dans le jaune

Dans le jaune
©2025 Lignes | Powered by SuperbThemes
%d