Le chat de mes voisins, Vagabond, est friand de caresses. Il en quémande. Je lui en donne bien volontiers. Et je pense que s’il me les quémande, c’est parce qu’il sent que j’ai plaisir à les donner.
Avec les animaux comme avec les êtres humains, la caresse, dès qu’elle ne s’impose pas, est bijective, à la fois donnée et reçue, plaisant à qui la donne comme à qui la reçoit. Au point qu’à strictement parler, la caresse ne se donne pas plus qu’elle ne se reçoit ; elle se partage ; elle est un dialogue.
Il en va de même, à des degrés divers, de toutes nos interactions sociales, quelles soient amoureuses, affectives, amicales, professionnelles ou de hasard, dès lors qu’elles visent au plaisir ou à la satisfaction de l’autre ; et avec tous les vivants, ceux du moins qui paraissent avoir une conscience : on ressent du plaisir à donner du plaisir et l’on sent, en exprimant sa satisfaction, que l’on fait plaisir à qui nous l’a procurée.
Celles et ceux qui, dans une relation libre et volontaire, croient donner sans recevoir, ou donner beaucoup plus qu’ils ne reçoivent ; celles et ceux qui voient le plaisir du chat mais non le leur, ne sont pas seulement vaniteux ; ils sont aveugles, insensibles, et probablement de mauvaise foi – à moins qu’ils ne soient terrorisés par l’idée de dépendre d’autrui, de ne pas être, partout et toujours, leur seul maître. Il y a pourtant, à accepter cela, à le reconnaître une plus grande assurance qu’à le nier.
Vagabond, lorsqu’il veut des caresses, se couche sur le dos et appelle. Katia trouve ce genre d’attitude indigne parce que preuve de faiblesse. Mais l’argument est indéfiniment retournable : accepter de montrer sa faiblesse, c’est faire preuve de force ; s’y refuser, c’est montrer sa faiblesse. Et ne pas comprendre que c’est de l’acceptation d’un déséquilibre initial que peut venir, comme dans la marche, l’harmonie d’un dialogue, c’est dommage.