
Comme le monde est petit ! Petit et plein de surprises ! J’ai croisé ce matin, chez le shipchandler du bout du port, Patti Smith. Elle était en grande discussion avec le commerçant qui lui expliquait que le Launchpad avait levé l’ancre pour La Ciotat, prétendument pour y faire des réparations. La vérité est que, grâce aux révélations dont vous avez eu, chères lectrices et lecteurs, la primeur, le Parc national a pu demander au préfet de s’opposer, au moins momentanément, à la vente de la ferme Notre-Dame à Mark Zuckerberg, ce qui écarte dans l’immédiat le péril de voir naître ici un nouveau Jurassic Park.
Quant à Patti (je dis : « tu » à tous ceux que j’aime), elle est à Porquerolles à l’invitation de Charles Carmignac qui, ayant compris à la lecture de mon enquête (cela soit dit en toute modestie) la véritable nature de la faille temporelle ancrée dans l’île, a décidé de consacrer l’exposition 2026 aux « Îles analogues » et d’en confier le commissariat général à la chanteuse, dont on connaît l’amour qu’elle a pour René Daumal et son Mont Analogue.
Il s’agira, prenant appui sur l’abîme temporel qui s’ouvre à Porquerolles, d’explorer la thématique de ces lieux magiques, de ces lieux sacrés, de ces lieux mathématiques où les choses les plus solides s’effritent, les savoirs les mieux acquis balbutient, où le vrai devient le faux et où le faux devient le vrai. C’est là, dans ces monts et ces Îles (et Porquerolles ne fut-elle pas un mont avant que d’être une île ?), c’est là que le réel se dissout – à moins qu’il n’apparaisse enfin sous son véritable visage : l’impermanence (car je suis le beurre clarifié, je suis le feu, je suis l’offrande, dit Krishna à Arjuna).
Puisqu’elle évoquait la question, J’ai demandé à Patti si elle savait que le 37 passage des Patriarches, où commence l’histoire du Mont Analogue (mont qui, au passage, est une île puisque c’est en bateau qu’on s’y rend) ; si elle savait, donc, que le le 37 passage des Patriarches n’existe pas.

Elle ne le savait pas et me remercia de lui faire connaître ce point qui enrichit d’un péradam supplémentaire le roman de Daumal : non seulement l’objectif du voyage est inaccessible, mais son point de départ n’existe pas, ce qui rend évidemment impossible le suivi de son itinéraire…
Je semble à nouveau m’égarer mais pas tout à fait : j’adore l’idée que la prochaine exposition de la Fondation soit consacrée aux îles analogues, parce que cela montre que Charles Carmignac a enfin reconnu le caractère mystique de Porquerolles ; mais j’aime aussi que cette exposition, comme Le Mont Analogue, n’ait ni fin ni véritable début, qu’elle soit seulement, comme Porquerolles, un chemin.
Comme le chante Patti dans Peradam :
"The gateway to the invisible must be visible
The gateway to the visible must be invisible".
En illustration musicale, c’est évidemment le Peradam de Soundwalk Collective with Patti Smith qui s’imposait, et qu’on peut entendre derrière ma lecture.
Fin (provisoirement ?) définitive.
L’éternité de la poésie, l’éternité de Patti Smith,