
C’est en faisant la queue à la boulangerie que j’ai fait la connaissance d’Ingrid. Ingrid est archéologue à l’Institut Max Planck. C’est une jeune femme rousse d’une quarantaine d’années, aux cheveux courts, qui me rappelle un peu ma mère quand elle avait cet âge. Elle cherchait un gâteau pour fêter je ne sais quoi et je lui ai conseillé de prendre le macaron aux framboises que nous prenions pour l’anniversaire de Clarisse.

Nous avons bavardé, sympathisé, et la sympathie augmentant, Ingrid a commencé à m’expliquer les rudiments de son métier, qui consiste notamment à faire parler les pierres : « avoir les pierres bavardes » comme elle m’a dit dans son drôle de français.
Il y a différentes techniques, pour cela, et l’une des plus prometteuses est la lithochromographie augmentée, qui consiste, après avoir fait un relevé 3D très exact de ce qu’on veut observer, à simuler son éclairage par une lumière rasante homogène (un laser, en fait), en tenant compte du relief de la pierre. Cela permet de faire ressortir des détails qui n’apparaissent pas à l’œil nu : des traitements différents, des outils différents, voire les différentes couches d’un même support utilisé comme un palimpseste.
Nous avons bien sympathisé et, dans la soirée, tandis que nous mangions ensemble le macaron, Ingrid m’a raconté que quand ce procédé avait été utilisé sur la gravure de l’abri de la Grande huître, il avait révélé que deux dessins avaient été entremêlés, ou plutôt que le schéma géométrique, qui est le seul qu’on voit vraiment aujourd’hui, était venu recouvrir un premier trait, qui n’avait rien de géométrique (tracé ci-dessous en rouge) :

Les différentes couches une fois définies, il suffit, pour isoler celle qu’on veut étudier, d’un traitement informatique relativement simple, qui consiste à traiter les autres couches comme du bruit. Et on voit alors apparaître sur l’écran le dessin d’origine, intouché. Tout ça est une opération relativement rapide et qui, utilisant le relevé 3D et non le matériau archéologique lui-même, est totalement non destructif.
« Eh bien », m’a confié Ingrid, tandis qu’elle s’endormait au creux de mon épaule, bercée par le doux clapotis des vaguelettes embrassant la Plage d’argent (Oh là là, ce complexe d’Œdipe mal surmonté !) ; « Eh bien, c’est incroyable le dessin qu’on a vu apparaître sous la gravure de l’abri de la Grande huître, vraiment incredible« .
Incredible est bien le mot. Car ce qu’on voit (et je l’ai vu, de mes yeux vu, car Ingrid me l’a depuis montré) ; ce qu’on voit, derrière le gribouillis de traits, de cercles et de spirales ; ce qu’on découvre, ahuri, c’est un mammouth, dardé de flèches ou de lances stylisées, et à côté de lui, stupéfiant et totalement incongru, un machin énorme, une sorte de monstre ressemblant au T-Rex de Jurassic Park dessiné par un enfant !

En illustration sonore, derrière ma lecture, Ingrid, d’Ajar.
À suivre…
Ha! Le charme féminin des archéologues, il y a toujours poésie en ces êtres,
J’ai récemment fait connaissance d’une archéologue navale…, voilà qui fait écho😎🤗😎
Des archéologues, des astronomes, des musiciennes, des professeures,… je crois que je trouve du charme féminin un peu partout, en fait.
Certes, la formation archéologue, permet une approche originale de la vision du monde, comme les architectes, les artistes, les couturières et autres dentellière, les fleuristes également, les cosmonautes je pense également, 🤪🤗🤪
Oui oui : couturières et dentellière, et fleuristes, et artistes ; et mécanicienne, et soldates.
…je ne veux pas me vanter mais, au jeu du fantasme, je suis assez fort.
😄