Le mépris, le déni et le monde qui se délite (reprise)

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Tout ça sous les pins et les eucalyptus, dans le chant des cigales qui peu à peu se taisaient tandis que, derrière l’écran, la lune se levait.

De même que c’est dans son exil que Riccardo reconnaît le bonheur émanant d’Emilia, c’est dans la disparition du monde qui fut que nous reconnaissons sa beauté :

Plus on est heureux et moins on prête attention à son bonheur. Cela pourra sembler étrange, mais au cours de ces deux années j’eus même parfois l’impression que je m’ennuyais. Non, je ne me rendais pas compte de mon bonheur. En aimant ma femme et en étant aimé d’elle je croyais faire comme tout le monde ; cet amour me semblait un fait commun, normal, sans rien de précieux, comme l’air que l’on respire et qui n’est immense et inestimable que lorsqu’il vient à vous manquer.

Au temps où Emilia montrait un déplaisir de mon absence, je la quittais le cœur léger, content au fond de ce déplaisir comme d’une preuve supplémentaire du grand amour qu’elle me portait. Mais dès que je m’aperçus que non seulement elle ne manifestait aucun dépit mais qu’elle semblait préférer sa solitude, je commençais à éprouver une sourde angoisse, comme lorsqu’on sent manquer le sol sous ses pieds.

Et c’est maintenant que tout ce qui paraissait naturel et donné, allant de soi et éternel, révèle sa fragilité, maintenant que le monde s’en va, que nous voulons le retenir, l’embrasser, nous montrer tendres et aimants avec nos pauvres gestes, nos gestes maladroits et un peu niais qui succèdent à des décennies de violence et de pillage.

Et de même que Paul croit qu’il suffit d’être brutal pour être l’homme que Camille lui reproche de ne pas être, nous manquons de sincérité, d’entièreté et de virilité dans notre amour et nos résolutions. Nous manquons de courage pour changer résolument de cap, babouinons, singeons, tenons de grandes conférences mais ne décidons rien, préférant négocier, calculer, mégoter.

Dans la course à l’abîme, nous cherchons à gagner du temps.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. 12 août 2022
    Reply

    Super bien exprimé, Aldor. En matière d’énergie, si nous cherchons à gagner du temps, c’est juste qu’un dictateur russe a décidé de soumettre l’Ukraine. Sinon, nous serions juste à agiter frénétiquement un étendard effiloché, aux armes d’une transition fantôme. Reste les perturbateurs endocriniens, la disponibilité de l’eau et des métaux, le dérèglement climatique, la destruction de la nature … et l’exploitation des humains par les plus avides d’entre eux.
    Une belle journée à toi, néanmoins.

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