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La danse de la pluie

Posted on 16 décembre 201917 décembre 2019

Il y a incontestablement, dans le message écologique, quelque chose qui rappelle désagréablement l’idéologie vichyste et le « La terre, elle, ne ment pas » trouvé par Emmanuel Berl.

Il y a, plus profondément, dans certaines branches au moins de la pensée écologique, quelque chose d’irrationnel, voire de franchement méfiant vis-à-vis du rationalisme, qui est en rapport avec la spiritualité et la transcendance, et où se rejoignent, malgré leurs grandes différences, la pensée théosophique de Rudolf Steiner, l’idée de « Maison commune » du Laudato si, nombre de sagesses, notamment orientales, et divers cultes druidiques ou païens comme la danse de la pluie.

Il est exact par ailleurs (cela n’a rien à voir mais parlons-en, pour vider l’abcès) que Hitler se considérait comme végétarien, que des membres de la branche allemande de Weleda firent un certain temps route commune avec le nazisme, que Karlfried Graf Dürckheim apprit le yoga en étant diplomate allemand au Japon et que beaucoup de végétariens sont opposés aux vaccins.

Tout cela est vrai.

Et maintenant que cela a été dit, qu’ont été admises et regrettées les liaisons désolantes que certaines des mouvances proches de l’écologie entretinrent avec le pire, et qu’ont été reconnues, plus profondément, les résonances existant entre l’écologie et certaines formes d’animisme et de pensée magique, ne nous arrêtons pas à l’exclamation et explorons ces résonances.

Il y a effectivement, dans la conception écologique du monde (au moins dans la mienne), l’idée que l’homme n’est pas seul, que l’univers ne lui pas été donné, qu’il n’en est pas le maître mais seulement une part, élément d’un ensemble beaucoup plus vaste que lui. C’est une conception qui prend le contrepied de ce que La Genèse relate des paroles adressées par Dieu aux hommes au lendemain du Déluge, lorsqu’il remet la création entre les mains de Noé et de ses fils :

Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre. Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de tous les oiseaux du ciel. Tout ce qui remue sur le sol et tous les poissons de la mer sont livrés entre vos mains.

Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture comme déjà l’herbe mûrissante, je vous donne tout.

L’écologie rejette cette vision pleine d’hubris qui non seulement considère l’homme comme un être à part mais en fait l’être central, le couronnement de la Création, celui auquel tout est dédié et par lequel tout prend sens.

Dans la conception écologique du monde (au moins la mienne), l’homme fait partie du monde, de la nature – de Dieu, aurait dit Spinoza ; et les liens qu’il entretient avec le reste de la création ne sont pas des liens de l’un avec un autre mais des liens du même au même, de la créature à ses consœurs, de la vague à l’océan. Dans cette conception du monde qui est conscience, compréhension du monde, nous sommes salis de la salissure du monde, blessés de la souffrance des autres êtres, menacés dans notre propre survie par la disparition des autres espèces. Et inversement, le monde n’est pas indemne de nos actions.

Il y a effectivement, au fond de la pensée écologique, l’idée d’un grand Tout dont nous serions partie prenante, ce qui interdit de traiter la terre comme une ressource à exploiter et à piller, la nature comme une simple occasion de profit, la vie, même la plus humble, comme une matière première corvéable. Il y a l’idée que le monde, dans toutes ses composantes, participe de la même oeuvre, mérite notre respect et que c’est dans ce respect, et l’humilité qu’elle commande, qu’est notre dignité d’homme.

Il y a, dans tout cela, quelque chose qui, au-delà de tous les calculs de la raison et de tous les savoirs de la science, de tous les effets de serre et de tous les épuisement de ressources, s’impose comme un absolu car il a trait à la morale et au sacré. Ce n’est pas seulement de notre santé ou de notre survie qu’il s’agit, mais de notre être et de notre humanité : pourquoi sommes-nous là et pour quoi ? Que percevons-nous et que faisons-nous de cette chatoyance, de cette beauté, de la douceur des jours et de la splendeur des nuits ? Que faisons-nous du baiser de la neige et de la caresse du vent ?

L’écologie est (au moins pour moi) la prise de conscience de notre rapport au monde et de sa dimension mystique. Redécouverte d’une chose que nous avons toujours sue mais que nous avons si longtemps oubliée : le monde n’est pas un autre, il n’est pas un étranger ; il réagit à ce que nous faisons et est ce que nous en faisons : nous sommes le monde. C’est pourquoi, depuis des temps immémoriaux, sur tous les continents, des hommes qui savent leur petitesse devant l’immensité du monde, dansent cependant la danse de la pluie, espérant que leur humble prière modifiera le cours des nuages – comme nous savons que notre exploitation du monde a pu dégrader le climat, et comme nous espérons désormais que nos agitations pourront le rétablir.

Oui : l’écologie ne se réduit pas à une science des équilibres ; elle est une mystique, et un humanisme – car les deux vont de pair. Puisse notre danse du climat rétablir le lien avec le monde !

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2 thoughts on “La danse de la pluie”

  1. victorhugotte dit :
    20 décembre 2019 à 11:45

    Merci de presenter ces pensees – que je n’avais pas developees. Bien vu.

    chargement…
    Répondre
  2. poison et caramel dit :
    4 mai 2020 à 09:07

    « Je considère que chaque forme de vie en vaut la peine, la neige, la fraise, la mouche.
    J’apprécie le règne minéral, l’assemblage des étoiles.
    Je considère le vin aussi longtemps que dure le repas, un sourire involontaire,
    la fatigue de ceux qui n’ont pas été épargnés, deux vieillards qui s’aiment.
    J’apprécie ce que demain ne vaudra plus
    et ce qui vaut encore peu aujourd’hui.

    Je considère que toutes les blessures en valent la peine.
    Je considère qu’il vaut la peine d’économiser de l’eau, de réparer une paire de chaussures, de
    se taire à temps, de se précipiter pour pleurer, de demander la permission avant de s’asseoir, de
    ressentir de la gratitude sans se souvenir de quoi.

    Je considère qu’il vaut la peine de savoir dans une pièce où se trouve le nord,
    quel est le nom du vent qui sèche le linge.
    Je considère que le voyage du vagabond, le cloître de la religieuse,
    la patience du condamné, quelle qu’en soit la faute, ont de la valeur.

    J’apprécie l’utilisation du verbe aimer et l’hypothèse qu’il y a un créateur.
    Je ne connais pas beaucoup de ces valeurs. »

    Erri De Luca
    Opéra sur l’eau et autres poèmes (Einaudi, 2002)

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