Le changement climatique et Monsieur Spock

Leonard Nimoy jouant Mr. Spock dans Star Trek – (c) Kipp Teague

Il ne suffira pas que chacun fasse la fresque du climat, ni même que plus personne n’ait de doute sur les comportements permettant d’éviter la catastrophe climatique, pour que nous changions nos façons de faire et évitions effectivement la catastrophe.

Savoir ne suffit pas.

Savoir ne suffit pas parce qu’une fois la chose sue, la raison intervient et nous susurre que, certes, prendre l’avion pour le week-end participe à la dégradation des choses, mais que ce surplus de dégradation n’est rien comparé à celui résultant des grandes inerties du monde, et qu’on pourrait prendre l’avion cent fois par jour chaque jour de notre vie que ça ne changerait pas d’un iota, en soi, le destin de la planète. Et notre raison a bien raison dans ce remake du jeu du prisonnier : ce que nous faisons pour ce qui nous concerne ne compte, en soi, absolument pour rien.

Mais la raison, elle non plus, ne suffit pas.

Ce qui peut nous entraîner, ce qui doit nous pousser à dépasser les calculs et raisonnements égoïstes que sait si bien alléguer et suivre la raison (dont c’est le rôle ; c’est pour ca qu’elle est est là), c’est l’intuition, l’idée, l’espoir que quelque chose peut exister, se manifester, agir, que la raison ne connaît pas. C’est la croyance en l’existence d’une sorte de communion des esprits, la foi en notre capacité collective à nous faire confiance les uns les autres, et à sacrifier volontairement nos intérêts particuliers sur l’autel du bien commun.

Au savoir, pour agir, il faut ajouter le croire.

Cette croyance, d’ordre mystique, est totalement irrationnelle. Elle nous fait prendre des risques considérables. Tout le contraire des prêches de ce bon Monsieur Spock. Mais c’est d’elle que, depuis toujours, naissent les grandes choses. Elle n’est pas un défaut de la raison ; elle est ce qui, en nous, permet de la dépasser pour partir sur les chemins incertains de l’altruisme, de l’amour, de la foi, de l’espérance, de la découverte. Elle est l’émotion qui nous mène hors des sentiers battus de la raison ratiocinante.

Brisant les digues de la raison, l’émotion peut nous entraîner (et nous entraîne souvent) dans des contrées pleines de périls. Mais parce qu’elle nous meut hors de nous-mêmes, elle est l’ingrédient indispensable des aventures collectives.

Un colibri de pure raison saurait que déposer une goutte d’eau au coeur de la forêt en flammes ne sert, en soi, absolument à rien ; il ne le ferait donc pas. Mais heureusement, le colibri n’est pas un être de pure raison : il est plein de foi et d’espérance et sent que son geste, totalement inutile en lui-même, peut cependant, par mimétisme, entraînement, mystique, faire basculer les choses. Le colibri sent que l’émotion peut l’emporter sur la raison et la forêt en être sauvée.

Ce qui peut nous faire renoncer, ce qui nous fait renoncer à notre week-end en avion, ce n’est certes pas la raison mais la conviction que le monde ne se réduit pas à une grande horloge, à un ensemble bien huilé d’algorithmes mais qu’il y a place pour du sens, de la poésie, de la confiance, de la liberté.

Ce n’est pas la raison, la raison seule, du moins, qui nous sauvera, nous et les autres êtres, c’est cette pensée magique qu’est le courage, la foi en nous-mêmes et en les autres, la confiance irrationnelle en l’humanité.

Aldor Écrit par :

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